La nocturne

Il est liiiiiiiiiiibre....Max
Il est liiiiiiiiiiibre....Max

Nous sommes réveillés par Max qui bricole sa moto, faisant un bruit fou en démarrant enfin après de nombreux tours de tournevis. Je discute avec lui à peine levé (car la porte de notre chambre donne directement dans le garage), et je comprends qu’il doit aller à un meeting de vieilles motos et voitures, où la sienne de 1956 a parfaitement sa place dans le défilé. Il en est fier, et dommage que ça ne soit pas en tenue d’époque qu’il s’y rend.

 

Nous partons aux alentours de 11h. Nos hôtes nous attendaient pour le petit déjeuner, et comme presque partout depuis le début, c’est par un festin  que nous attaquons la journée. Nous commençons à prendre gout au petit déjeuner salé, et ce matin l’excellente charcuterie se marie parfaitement avec le fromage bavarois, le beurre et la confiture (ça peut paraitre bizarre pour un français mais depuis que nous sommes partis c’est ça presque tous les matins). Café à volonté, bon pain (j’ai envie de dire presque enfin, il manque encore quelque chose pour arriver au bon pain français, certainement quelques centaines de kilomètres).. C’est avec les affaires encore mouillées que nous reprenons la route, en deux jours nous espérons être à Constance, ville frontalière de la Suisse.

le long du camp de Dachau
le long du camp de Dachau

Et c’est parti. La pluie n’est pas de la partie pour l’instant, quelques rayons de soleil osent même pointer le bout de leur nez à travers les nuages. Belle route, toujours un labyrinthe quant aux pistes cyclables. Nous nous arrêtons à Dachau, à une vingtaine de kilomètres de là, tristement célèbre pour avoir accueilli le premier centre de concentration de l’Allemagne nazie en 1933, qui a d’abord servi à tester les méthodes de mise à mort massives sur les opposants au régime et les handicapés allemands. Le camp est très grand, nous longeons le mur sur plusieurs centaines de mètres avant de trouver l’entrée. Une fois arrivés devant celle-ci, nous sommes immédiatement mal à l’aise. Des centaines de touristes devant le monument commémoratif. Des enfants qui jouent, des familles qui rentrent avec les femmes quasiment en maillot de bain et les hommes en chemise à fleur. Plusieurs femmes voilées. Je dois affronter le regard fier d’un homme que j’ai dû involontairement regarder avec peu de complaisance après avoir vu sa femme passer avec la burka et sa petite fille toute mignonne dans ses bras (ne nous aventurons pas trop sur des sujets si glissants, je me suis juste dit que c’était dommage que cette petite fille souriante finirait probablement un jour par sortir avec le même voile que sa mère). Ce regard me glace le sang, lancé comme un défi tout le long que cette famille passe devant moi. Il a même failli se faire un torticoli le bougre tellement il voulait le tenir, voyant que je ne le lâchais pas ! Bref, l’ambiance est pesante, rajoutez à tout cela le poids de l’histoire de cet endroit, et je ne veux plus rentrer. Pas comme tous ces touristes sans respect, on ne va pas se masser comme eux, et plutôt tracer notre route.

 

(Ajout du correcteur : mais les plus cons, c’étaient peut-être nous et nos moulbites ! Je voulais visiter ce camp, mais cette atmosphère pesante contrastée à cette légèreté ambiante me fout les glandes ; enfin, ça n’est pas parce qu’on continue notre route que bientôt nous serons de ces gros qui diront sans vous regarder et en soufflant : « c’est du passé tout ça, il faut oublier maintenant ». Remarque, ça ne sont pas les plus dangereux. Les plus dangereux sont sans doute ceux qui vous regardent dans les yeux et le disent d’un ton calme...)

Landsberg
Landsberg

Tracer, c’est un bien grand mot. Dachau, c’est toujours en Bavière ! On essaie les pistes cyclables, et à peine elles arrivent aux abords d’une ville, les panneaux disparaissent et alors nous nous perdons, le plus souvent dans des zones industrielles ou résidentielles. Nous essayons la route, mais tombons encore sur des axes principaux interdits au vélo. C’est les routes de campagnes qui nous emmèneront, mais rajoutant toujours plus de kilomètres à ceux que nous avions déjà prévus. Un numéro de voltige aérien nous distrait un moment, un raccourci par un chemin nous donne à rire, une brève rencontre avec un vieux cycliste qui nous donne sa carte inutile, et la journée est quand même agréable.

 

(changement de rédacteur). En fin de journée, nous avançons à l’instinct, la carte dans une  main, la boussole dans l’autre, cherchant toujours notre route entre pistes cyclables, chemins et routes. Nous empruntons parfois des courts tronçons de voie interdits. Qu’est-ce qu’on vous disait, de vrais pirates ! Nous nous approchons de Landsberg, aux alentours de 8h peut-être. Notre arrivée est spectaculaire. Le centre de cette petite ville allemande est au bout d’une longue descente. Ainsi c’est à bloc que nous arrivons et finissons notre course sur une large place pavée, nous offrant en spectacle à tous les bavarois et autres curiosités locales installés en terrasse. Superbe ville ! Nous stoppons pour avaler une pizza. Nous apprendrons plus tard, nous sentant assez cons, que dans cette ville se visite la prison où a été enfermé « le petit caporal » Hitler, après le coup d’état manqué de Munich dans les années 20. C’est aussi ici qu’a été mis sur papier son « idéologie », la ligne national-socialisme allemand dans Mein Kampf. Quelques millions de morts et années plus tard, c’est ici qu’ont été enfermés et exécutés des centaines ou milliers d’officiers nazis par les troupes alliées. On rate encore quelque chose.

tombée de nuit en Bavière
tombée de nuit en Bavière

Mais ce qu’on n’a pas raté, c’est le moment exceptionnel qui va s’offrir à nous. Remarquez, on se le sera gagné. Ayant pris du retard à tourner, retourner dans la banlieue de Munich, on décide de rouler de nuit. Celle-ci tombe définitivement vers 9h30. Quant à nous, on sort l’attirail nocturne, frontales et autres lampes. Au début, on est un peu tout feu tout flamme. On se signale bien auprès des automobilistes, qui pratiquement tous s’arrêtent devant le clignotant de nos frontales. Nous atteignons Malheim, là où nous avions prévu de faire étape. Mais nous décidons de continuer. Et là, c’est tout simplement exceptionnel. Les nuages se sont écartés, la pleine lune nous a rejoints. Nous naviguons grâce à Garmin, sur des routes bavaroises toujours plus « billardesques » et campagnardes. Devant l’absence progressive d’autres véhicules, nous éteignons tout. L’ambiance est mystique, l’atmosphère particulière et des plus stimulante. Nous ne parlons pas, laissant seuls le bruit des pneus sur le goudron et le léger frottement des sacoches sur les porte-bagages occuper l’espace son. C’est incroyable. Nous nous arrêtons à 1h du matin, dans un champ trempé par la rosée, après 160km de route, et y installons rapidement notre tente avant de nous y plonger dedans sans demander notre reste. Demain, nous atteindrons le lac Constance que nous avons prévu de traverser en ferry.

A vitesse Constance

Vous comprenez pas ? Nous non plus. Un pins pour le traducteur
Vous comprenez pas ? Nous non plus. Un pins pour le traducteur

Une nuit agréable après une longue étape, et nous nous réveillons au milieu d’un grand champ, en dessous de la route derrière une haie, à l’abri du bruit et des regards. Nous n’avons rien à manger, et c’est le ventre vide que nous prenons la route vers 10h30.

 

A peine une heure plus tard, nous nous arrêtons dans un petit village, de la taille comparable à un de ceux de notre bonne vieille vallée. Il n’y a personne, juste quelques agriculteurs, et beaucoup de chevaux. Une enseigne annonce une auberge. Nous nous y risquons, espérant y trouver de quoi déjeuner, et un lavabo pour nous laver un peu après cette nocturne. L’homme ne parle pas anglais, mais nous arrivons à lui faire comprendre que nous voulons déjeuner. Il nous écrit un prix, 5€50, ce qui nous paraît correct et nous demande si on préfère du café ou thé. Nous nous installons dehors, le tandem à portée de vue, mais sommes inquiets sur ce que l’homme va nous apporter. Mauvaises langues, nous parions sur 10 grammes de beurre, autant de confiture, une petite tranche de pain et une tasse de café telle qu’elles sont servies le plus souvent en France, 7 centilitres et demi pour 1€20. Après quelques minutes, le défilé s’organise, et ce que nous avions déjà vu des petits-déjeuners bavarois se confirme. Une dizaine de plaques de beurre, 5 pots de confiture cerise, autant à la framboise, des saucisses, du fromage, 6 petits pains tous différents, du miel, du bon pain à volonté, et un énorme pot de café chacun ! C’est une heure entière que nous restons à table, pour l’unique repas avant notre arrivée à Constance ce soir, après plus de 130km prévus dans la journée.

vignes, pluie et lac de Constance
vignes, pluie et lac de Constance

Journée qui s’avère difficile, nous sommes toujours en Bavière, une vallée laisse place à une autre, de longues côtes, des descentes toujours trop courtes. Nous sommes bien, allons rapidement, quelques averses de temps en temps nous laissent trempes pour la journée. Difficile de ressentir la chaleur, les températures se sont considérablement rafraichies, terminée la canicule et des pics à 39° comme nous avons connus en République Tchèque. Les manchettes et jambières sont de sortie, coupe-vents sur les épaules, fermetures jusqu’au menton, nous voyons très rarement le soleil. Nous suivons une petite route au début, puis rejoignons un axe plus fréquenté.

 

Le lac est enfin en vue, magnifique. De là, nous sommes à peine à 25km de l’Autriche, à 50km du Liechtenstein, et de l’autre côté du lac, c’est Constance et puis la Suisse. Endroit important, carrefour des frontières, le tour du lac est livré au tourisme.

Mathieu, heureux ?
Mathieu, heureux ?

Une descente sur Meersburg, pour prendre le ferry qui nous permettra de changer de moyen de locomotion et de traverser le lac jusqu’à l’autre rive. Nous descendons vite, très vite, jusqu’à l’embarcadère. Nous ralentissons, deux ferrys sont là, dont un chargé et prêt à partir, un homme à qui nous demandons où il faut prendre les billets nous dit d’avancer jusqu’au ferry, et là, sans même nous arrêter, nous nous posons comme une fleur sur le ferry. Economie d’une traversée qui devait nous coûter une quinzaine d’euros, le type de la caisse avait dû partir pisser. Même pas une minute après être monté à bord, le ferry démarre, une traversée d’un quart d’heure et nous voilà débarqués à Konstanz (en allemand).

 

On va au camping, croyant réaliser une économie, et bien ce sera raté ! 35€ la nuit pour la tente et deux personnes. Blague. Roms demande au réceptionniste si la douche est comprise : « Oui bien sûr » (le « bien sûr » est important !). Deuxième blague, quand Roms découvre que la douche est bien gratuite, mais uniquement l’eau froide. Pour l’eau chaude, c’est 1€. Et pas pour 7 minutes, ni pour 8, ni pour 10 d’ailleurs. Mais bien pour 6 minutes. Si en plus comme Roms l’eau met 3 minutes à chauffer ou comme moi si vous avez pas compris que la douche s’allume une fois la pièce insérée, et que vous perdez une bonne minute à vous déshabiller, et le temps est bien réduit.

 

Le soir nous avalons quelque chose au bar du coin. C’est là que nous rencontrons Christophe, cyclo au long cours. Nous échangeons quelques bières, et passons la soirée ensemble. Nous décidons que le lendemain, nous prendrons ensemble la route de Zurich, la deuxième place financière d’Europe après Londres.

 

En attendant, see you

Konstanz & grillage, aléa de la photo à vélo
Konstanz & grillage, aléa de la photo à vélo

Romain & Mathieu Caubin

65510 LOUDENVIELLE

 

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