Léman nous retient

Le Léman avec derrière les montagnes françaises
Le Léman avec derrière les montagnes françaises

Il est 14h, je suis branché à la prise du pressing du camping de Lausanne, en train d’écrire sur un lave-linge. Roms est parti chercher un marchand de cycle pour monter une nouvelle chambre à air, pas une de celle à valves courtes impossibles à gonfler avec notre pompe et qui pètent avec les prolongateurs, juste une chambre à air. Nous venons d’apprendre que nous devons être ce soir à Annecy, que notre pote nous attend, nous sommes réjouis de pouvoir bientôt être posés, de pouvoir prendre une douche chaude sans payer 50cts la minute, de faire disparaitre ces taches de graisse sur nos mollets et sur le bout de nos doigts, de pouvoir laver ces affaires trempes depuis presque une semaine… Mais encore faut-il que le Léman accepte de nous laisser quitter Lausanne… La suite bientôt, et je l’espère d’Annecy dès ce soir !

(Ajout du correcteur : je pars le matin avec en poche 3 adresses de magasins de cycles. Reste plus qu’à trouver. Je pars faire mon sport favori, le tandem en solo, sous les regards encore plus intrigués que devant l’équipage au complet. Lausanne, ça monte partout, je me balade en ville, montant les côtes à bloc, profitant de la nouvelle légèreté de la machine. Lausanne est vraiment particulier, je suis heureux d’y être. Je profite une nouvelle fois de la gentillesse des habitants qui m‘indiquent précisément les rues que je recherche, souvent des gens d’un certain âge et assez « chics » dirons nous. Un seul homme, d’environ 4O ans, type rat de bureau-costard-chemise pas repassée-porte document poussiéreux me snobe totalement, baisse les yeux et accélère alors que je lui demande mon chemin. Je ne me gêne pas pour lui faire comprendre son manque de sociabilité, à la manière pyrénéenne, et j’explose de rire lorsqu’il me lance en suivant « Et vous vous étonnez qu’on ne vous réponde pas ? ». Que je le ré-insulte en suivant est sans importance tellement ça me paraît naturel. Le premier magasin ouvre à 14h. Le deuxième est en congés annuel depuis hier. Le troisième est en congés annuel depuis aujourd’hui. Je suis à l’autre bout de la ville, le long du lac. Je prends mon temps, et me rend au musée olympique. Le cadre est fantastique, un grand parc surplombant le lac. Je m’aventure dans le musée, tente de m’incruster un peu. Le seul accès libre est…la boutique. A l’entrée du musée, une barre indique le record du monde de saut en hauteur. Impressionnant. Bref le lieu est fantastique, pour moi, et je regrette de ne pas avoir pris l’appareil photo, ne serait-ce que pour l’endroit. Je n’ai plus qu’à longer le lac, tout plat tout droit pendant environ 4-5 km pour rejoindre le camping, découvrant le tandem sous de nouvelles formes, comme sans les mains (risqué, mais stylé), ou en me tenant au guidon arrière. Bref, le tandem tout seul, j’adore.)

On va où déjà ?
On va où déjà ?

Et nous sommes à Annecy !  Roms a trouvé ce qu’il fallait, un magasin de cycles suisse par contre, 18€ pour pas grand-chose, deux chambres à air et un peu de service. On voulait aussi un bidon, mais à lui seul il doublait le prix total, je ne l’ai pas vu mais peut être y avait-il des rubis incrustés sur la tétine. Il revient au camping, nous chargeons tout et nous voilà partis pour Annecy.

Nous longeons le lac d’abord vers le sud ouest, presque toute la rive suisse, en direction de Genève. Une assez grande route, bien fréquentée, mais sans camions, qui préfèrent opter pour l’autoroute. Tout le long, le lac sur notre gauche, toujours à vue, souvent séparés que d’une simple barrière. Le terrain est plutôt plat de ce côté ci, les pistes cyclables nombreuses, et nous menons un train d’enfer, du 27-28 de moyenne. Beaucoup de cyclistes, de touristes, de français. De nombreux trips, nous sommes joyeux aujourd’hui. Nous pensons croiser Jean Rochefort en vélo, juste avant Genève, qui nous lance un grand sourire sous une grise moustache alors que nous chantions allègrement à cet instant. Alors que Roms est en train d’uriner sur le bord de la route, un gros suisse avec un énorme 4x4 bien polluant ralentit et lance au dessus de sa fenêtre un intelligent « Gros porc »… (note de la victime : Il devrait essayer ce con, c’est plus marrant que les urinoirs du Hilton). Manière de se rappeler qu’on est encore en Suisse, et qu’ici ça file droit. On s’est plusieurs fois fait klaxonner alors que l’on grillait des feux (chose que nous faisons depuis Tallinn, néanmoins toujours en jetant un attentif coup d’œil circulaire pour voir que rien n’arrivait, ou qu’aucun flic n’était planqué dans les parages. En Allemagne, Wolf nous a appris que ça coutait 70€, et des points sur le permis. De ce côté-là, pas de soucis, on l’a pas le permis !).

C'est ca..
C'est ca..

Nous entrons dans Genève, encore une belle ville. Heure de sortie du boulot, la circulation est dense. C’est Romain qui est au pilotage, attentif aux nombreuses voitures, et aux rails du tramway qu’il nous faut toujours prendre bien de côté sinon le pneu s’y coince et c’est la belle gamelle en perspective. Une bonne engueulade avec un couple dont la femme conduisait assez nerveusement il faut dire (même si nous avions sûrement notre part de responsabilité dans l’histoire) me crispe pour un long moment. Avec la fatigue, les nerfs parfois mis à l’épreuve, il peut en falloir peu pour que la moutarde nous monte au nez. Et c’est peu dire pour le moment où on se retrouve à côté de la dite voiture au feu rouge suivant.

Heureusement juste après, nous nous arrêtons pour demander notre chemin aux employés d’un bar et miracle, en 5min ils nous redonnent le sourire, intéressants, clairs dans l’explication, et intéressés par notre drôle de machine. C’est donc sereins et bien informés que nous sortons de la ville par le sud, juste un embranchement où là encore le piffomètre (ou est-ce le flair pyrénéen) démontre son efficacité, et nous sommes rapidement à la frontière. Personne, pas un policier, même pas un drapeau français, mais nous sommes bel et bien en France, le changement est radical.

En France, très peu de pistes cyclables, ou de voies réservées aux vélos sur le bord des routes. Depuis notre départ, tous les pays dans lesquels nous sommes passés ont des aménagements pour les cyclistes impressionnants. Dans les pays baltes, de nombreux villages sont équipés, en Pologne, c’est tous les villages qui ont leur piste cyclable, pavée et colorée en rouge. En Bavière, un important réseau suit les canaux, rivières et fleuves. Arrivés en France, c’est un quasi désert.

Ajouté à cela, le respect des automobilistes change. Deux fois nous nous faisons frôler comme ca nous était arrivé à peine une ou deux fois dans le voyage. Là en l’espace de 10km on double le capital, et à chaque fois c’est une grosse frayeur, où l’écart peut être impardonnable.

Mais en France, il y a du bon pain, et nous sommes attendus. Cela fait à peine un mois que nous sommes partis, et nous sommes contents d’entrer au pays. Une longue côte, le Mont Sion, nous rappelle que les Alpes ne sont pas loin. En haut, un panneau annonçant Annecy à 20km nous refroidit un peu, nous pensions être bien plus près. Nous envoyons un message à Karl, qui nous attend, pour lui dire que dans une heure nous devrions être là. Mais une descente s’engage, et ce quasiment jusqu’à Annecy. Une large route sur laquelle nous traçons, atteignant 70km/h alors que le marchand de cycle du matin, après avoir vu l’état de nos patins, nous conseillait de ne pas prendre de vitesse dans les descentes. Et effectivement, ça freine peu. Le frein arrière n’a plus d’effet, et pire qu’un cargo, il nous faut bien anticiper pour nous arrêter. Si bien qu’à un endroit, alors qu’un feu passe au rouge 50 mètres devant nous, je lançais un coup d’œil à Roms derrière pour savoir s’il pensait la même chose que moi, et qu’il n’était même pas la peine d’essayer de nous arrêter avant, nous n’arriverions pas. Il pense la même chose que moi, et alors que nous sommes lancés à 70km/h, nous grillons le feu de la plus belle des manières, au taquet. Dans cette même descente, un radar à l’entrée d’un village nous annonce notre vitesse. Croissante, elle passe de 48 à 56, faisant apparaitre un petit smiley d’un personnage mécontent, alors que nous sommes tout sourire et que le chauffeur qui nous suivait nous lance le pouce et des coups de klaxons pour nous féliciter en nous doublant.

Bref, une bien bonne descente, et en peut être 30min, nous arrivons sur Annecy et son lac surplombés de belles montagnes, à la surprise de Karl que Roms appelle : « On est là ! » Une traversée de la ville bondée de touristes, dont un que je manque de (très) peu d’embrocher avec ma corne gauche, et nous avons rendez-vous devant la mairie.

Annecy & découverte de la France

chez et avec Karl, vue sur le lac d'Annecy
chez et avec Karl, vue sur le lac d'Annecy

Karl est un type…euh, comment dire… fantastique. L’accueil est exceptionnel, il a même débarqué ses parents pour nous recevoir. Camarade de l’IEP, il a un humour décapant et une joie de vivre communicative. Nous passons un weekend génial, et des plus reposants.

 

Samedi midi, tartiflette et crêpes en bordure de canal dans le centre d’Annecy, puis visite de la vieille ville et aperçu du château. L’après-midi, baignade dans le lac. Pas mal, je dois dire. Repos, films, site internet, discussions, vraiment génial mais surtout (et n’est-ce pas le propre du repos ?) reposant. Quand nous repartons le lundi matin, c’est toujours avec ce même sentiment partagé, ce paradoxe, entre peine de partir et plénitude de se retrouver à nouveau tous les deux sur la route.

le Val de Fier
le Val de Fier

Nous prenons quelques orages, mais passons dans des coins supers, comme le Val de Fier, le long de la rivière du même nom, dans ce vallon très étroit, où l’orage ne nous épargne pas. Toute la journée d’ailleurs, les averses ne nous ont pas épargné. Sans doute la faute à Lu7 et Serge, qui nous ont rejoints et nous suivent maintenant en voiture. Dans tous les cas, la route est excellente, souvent le long du Rhône, souvent vallonnée, boisée. Environ 130km, rapidement, vue notre forme après un weekend d’arrêt. Et le soir, la famille nous attend sur les bords du lac de Paladru, pour une soirée là encore perturbée par une averse, ici sur des routes que nous ne connaissons pas, coincés quelque part entre Grenoble et Lyon.

Les Quatre Saisons

C’est le nom du camping dans lequel nous nous trouvons ce soir, à Grâne, petit village le long de la Drôme, pas très loin de Valence je crois bien. Je crois seulement car ce genre de journée me confirme mes lacunes de géographe français.

 

Quatre saisons, c’est surtout pour marquer la vitesse du changement climatique si je puis dire. Ce matin, la pluie a retardé notre départ. Ce soir, le soleil a laissé des traces de bronzage encore accentuées aux limites de tous nos vêtements.

 

Malgré un départ à presque 13h, nous avons roulé 130km aujourd’hui. Et traversé des coins superbes. On peut aller où on veut, à Tallinn, aux Bahamas, en Afrique du Sud ou au Pôle Nord, la France regorge en elle-même de lieux exceptionnels. Quand nous escaladons ce col pas trop long mais dur et que nous nous retrouvons en haut de ce plateau (mes excuses envers les géographes pour l’absence de noms), le spectacle est magnifique. A gauche, en contrebas, une large vallée. Derrière, le massif du Vercors. Derrière encore, les hauts nuages nous laissent parfois deviner les hauteurs des Alpes. De plus, sous nos roues cette fois, la route sinueuse est un régal. Une journée où nous menons bon train, voire TGV.

Dans l’après-midi, après une ultime pause avec Serge et Lu7 près de Romans, la Provence se fait sentir. Lavande par-ci par-là, temps de plus en plus sec, chaud, cigales (et nos fréquents « moins fort les cigales moins fort », cf Les Inconnus)… Mais surtout un véritable Mistral Gagnant dans le dos. Sur des portions de plat, nous atteignons parfois en cette fin de journée les 40km/h. Il faut dire que l’on entend le « pays qui nous disait revient, revient !! » (cf Les Inconnus toujours). Bref, ça envoie, malgré des jambes contractées pour ma part, et un mal au c.. qui refait surface et me fait agiter sur ma selle comme le poisson rouge quand on tape à son bocal.

 

Journée des plus sympas donc, rapide, belle, au temps changeant. Et confortable quand on n’est pas sur le vélo. Avec la famille, on est aux petits oignons. Ainsi, le soir, c’est saucisson, salade de tomates, pâtes et entrecôtes sur la petite table de camping. Tout ça après un plongeon dans la piscine des « quatre saisons », en cuissard bien sûr, bronzage apparent, sinon ce n’est pas drôle. Et là, 22h10, assis en terrasse, je m’apprête à rejoindre mon duvet douillet, pendant que mon co-équipier, plongé dans sa lecture d’une brochure historique me raconte les anecdotes du maquis du Vercors.

 

Demain nous rejoignons Avignon, et sur la route j’espère apercevoir le Géant de Provence, le Mont Ventoux, haut-lieu de la Petite Reine.

 

En attendant, see you

Romain & Mathieu Caubin

65510 LOUDENVIELLE

 

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