Vers Kaunas

Instant volé d'un des nombreux saluts
Instant volé d'un des nombreux saluts

Nouvelle longue journée. On prend peu à peu l’impression d’être plongés dans l’aventure. 110km nous séparent de Kaunas, 2è ville lituanienne et notre prochaine étape. Partis vers 11h30, le début est enthousiasmant : les gens de cette triste ville sont curieux et renvoient à nos saluts des abondants signes de main et sourires.

La route est encore longue et monotone. Pas grand-chose à raconter sur notre journée. Nous sommes fatigués, les kilomètres sont longs, et à environ mi-parcours le vent vient balayer la plaine. Nous l’avons de ¾ face, la moyenne en prend un coup un moment. Pendant la journée, nous nous arrêtons dans un bar-restau posé, où passe de la musique française. Les grands classiques des années 70-80, nous nous marrons en chantant. Un peu plus loin, un homme dans une aire vient nous parler en anglais (enfin !) et nous questionne sur notre voyage, puis nous chambre avec notre équipe de football nationale.

Ensuite c’est l’orage qui vient gronder, mais nous nous en sortons avec seulement quelques gouttes. A 35km de Kaunas, nous prenons une petite route que nous avons repérée sur la carte, et découvrons (enfin) avec elles les charmes de la si plate et monotone campagne lituanienne. Petits villages se succèdent, et avec eux petites et charmantes maisons, de nombreux potagers, de beaux jardins, une vie agricole « à l’ancienne ». Cela est tout de même assez court, mais ce passage nous fait du bien.

L’arrivée à Kaunas est assez rapide. Un bref passage sur une quatre voies laisse la place à la grise banlieue de la ville puis à son centre assez sympa, où il a l’air de faire bon vivre. Nous arrivons en fin d’après-midi, il nous faut trouver un logement. Il n’y a pas de camping dans Kaunas, et les appartements que nous croyions pouvoir louer pas cher ne sont accessibles que sur réservation (évidemment…). Nous n’hésitons donc pas en cette fin de journée à louer une chambre d’hôtel sympa dans le centre et pas trop cher pour notre porte-monnaie français. Douche prise à l’instant, petite ballade dans le centre-ville ! Mais Mathieu me précise à juste titre que j’oublie de dire que nous sommes assez fatigués, avec des conditions défavorables, et surtout une partie de voyage monotone, et très très longue, entre Riga et Varsovie. Il nous tarde de voir la capitale polonaise, cette partie du voyage compliquée était prévue. La question dont nous débattrons ce soir est de savoir si nous partons pour Varsovie dès demain malgré la fatigue, et si nous nous décidons, il nous restera à savoir si nous effectuons les environ 400km en 4 jours ou en 3 jours. Dans tous les cas, ce sera sans nul doute très difficile (Mathieu ne sait pas encore que je suis partisans de l’option la plus rapide, départ demain et en 3 jours… Je m’en vais prendre la température…)

See you soon

Kaunas-Varsovie, Jour 1

Cathedrale orthodoxe de Kaunas
Cathedrale orthodoxe de Kaunas

Une journée à la saveur particulière, où s’est enchaîné le bon, le mauvais, l’excellent, la plénitude, la puissance, la fébrilité.

Ce matin dans cet hôtel de Kaunas, le petit déjeuner est servi jusqu’à 10h. Merde. Par conscience professionnelle, nous nous y rendons quand même 1/2h plus tôt. Une fois remontés pour empaqueter le tout, nous nous disons quand même que nous aurions pu embarquer un paquet de trucs au ptit déj’ pour bien se blinder tout au long de la journée, journée que je commence l’estomac presque vide. Ce dernier ne m’a pas laissé ingurgiter grand-chose ce matin.

On part aux alentours de 11h30, la femme de la réception nous lançant plusieurs « merci au revoir » hésitants démasquant sa piètre connaissance de notre belle langue…occitane. Imposteuse. Dehors, un ouvrier du bâtiment regarde notre tandem, et à ses mots en lituanien je réponds simplement Warszawa, c'est-à-dire Varsovie, tandis que lui conclut « l’échange » par un regard étonné, un sourire et un « good luck » encore pire que ceux de Math (c’est gift). Rencontre de 5 secondes, souvenir.

La route qui part de Kaunas est mal indiquée. Je dirais que c’est le flair pyrénéen qui nous met directement sur la bonne route. Ce flair nous a amené presque inconsciemment dans notre première véritable côte du parcours. Nous la gravissons en silence, et à environ 7km/h. En haut nous avons le même sentiment : le bout d’Alpes prévu va être long, ou ne sera pas du tout (bref calcul : 20km de col à 8% de moyenne, une vitesse de 7km/h en étant optimiste = presque 3h d’ascension, deux cols comme ça dans la même journée = 40km en 6h de selle… compréhensible ?)

Un lituanien qui fait la course, gredin
Un lituanien qui fait la course, gredin

La sortie de la deuxième ville lituanienne est un long faux plat, dans laquelle un marchand de cycles assez atypique se dégage, où nous nous arrêtons pour acheter un pneu. Environ 5 mecs présents décortiquent notre tandem, tandis que le mécano s’attèle à trouver le bon pneu. Aucun ne parle anglais, peu importe, le pneu est un langage universel. Souvenir.

La route ensuite est un véritable supplice. Le vent souffle violemment, de côté ou ¾ face. Nous ramons. La route est ennuyeuse, fréquentée. C’est long tout simplement. Heureusement, un pitbull nous court après (je ne saurais garantir la marque du modèle, j’ai peu ouvert le livre sur les races canines au cdi du collège). On le voit s’élancer de loin, le pilote Math anticipe, mais lorsqu’il remonte au niveau de la remorque, je déchausse et me prépare à lui enfoncer le museau. Brigitte Bardot si tous nous lis, comprend ! On va pas risquer de se foutre en l’air pour un pitbull. Et con en plus ! Pas assez néanmoins pour venir se frotter à la cale, il s’arrête net malgré notre rythme effréné d’environ 18km/h.. Souvenir.

Sur une aire, un vieux camionneur aux allures de ZZ TOP, un estonien version chanteur de country me questionne avec de grands sourires derrière sa barbe. Souvenir (pas de transition, peu importe).

La route est donc toujours longue. Après une étape à Marijanpolé, pas loin de la frontière, nous reprenons la route par le réseau secondaire, plus calme. L’endroit nous fait clairement penser au Gers en France. Ainsi nous escaladons de nombreux faux plats dans de longues lignes droites, pendant environ 30 km. Sur ce, nous retrouvons l’axe principal, après une escapade par un chemin ensablé dans les profondeurs de la campagne lituanienne, suivant un panneau que nous comprenons avec notre sens aigu de la communication comme indiquant un mémorial d’exécutions nazis.

Une route vallonnee !
Une route vallonnee !

En reprenant la grande route, nous passons la frontière polonaise. On y sent malgré sa nouvelle ouverture une ancienne importance de part ses nombreux points de contrôle et infrastructures.

Et là c’est une surprise. Nous avons environ 30km jusqu’à Suwalki, première véritable ville polonaise. Ce sont 30 de bonheur. Je me sens extrêmement bien aux manettes. C’est fou les changements de paysage que les frontières délimitent parfois.

Le début de la Pologne est incroyablement vert, d’un vert uniforme, comme colorié au même crayon de couleur. Des collines, du vert, quelques forêts de pins. La route tourne (enfin !), et nous oublions les toujours nombreux faux plats tant l’entrée dans le pays nous est agréable. Le vent toujours violent couche l’herbe, faisant l’effet de vagues sur les collines. Vas-y le vent, souffle 10 scd, pour la photo… Merci. C’est bon tu peux la fermer maintenant. Et merde il comprend rien celui-là décidément.

Frontiere Lituanie-Pologne
Frontiere Lituanie-Pologne

Nous arrivons à Suwalki après environ 20 bornes, ville sortie de nulle part que nous traversons en cette belle soirée (mais décidément toujours trop ventée). Nous avons décidé ne chercher un endroit tranquille pour dormir un peu plus loin sur la route. En effet, la fatigue est là et bien installée, mais la soirée est agréable, et tout le chemin que nous ferons en direction de Varsovie ce soir ne sera pas à faire demain. Comme dirait mamie, «  ce qui est fait n’est plus à faire ». Nous nous arrêtons finalement en bord de route, louons une chambre pas cher. Et merde, on dispose d’un peu plus que prévu niveau compte en banque, et on est cassés par cette dure étape Riga-Varsovie, on se paie la chambre. Encore 145km aujourd’hui. Au moins 250 jusqu’à Varsovie je crois encore. Demain soir, je préfère vous prévenir, ça m’étonnerait qu’on plante la tente.

Adishatz
Adishatz

Et tiens pensée du soir. En sortant de ma douche, je me suis mis à penser à papi Maurice, sans doute après lecture du message sur le livre d’or’n’roll de notre ami Alain Ousset. Pour les non-initiés, papi Momo est notre grand-père (comme son nom l’indique), mais c’est d’abord un grand adepte de la bicyclette, avec qui il n’a fait qu’un pendant près de 600 000 km, si bien qu’un journal titrait à son sujet «Maurice Caubin revient de la Lune ». Je me dis qu’il aurait été sans doute plus heureux pour nous que vous tous réunis (ça n’est pas une critique !!) à nous voir réaliser ça maintenant. Je me dis que les citations cyclos de Pierre Dacq, les sacoches, les cartes, les récits, l’encadré pour les cyclos-randonneurs commingeois, tout ça que nous avons en commun l’auraient rendu heureux. Que notre façon d’adapter ce concept du cyclotourisme qu’il défendait bec-et-ongles et qu’il aimait tant, notre adaptation plus sportive, plus rock’n’roll, plus aventureuse peut-être, tout cela l’aurait rendu fier. Je le vois à nous éplucher les cartes d’Europe avant notre départ, à regarder les revues cyclos à la recherche de bons plans pour nous loger. Je le vois raconter à ses amis au restaurant nos aventures, à ceux qui lui rendent visite. Je le vois écrire quelques unes de ses bonnes paroles sur un de ses carnets blanc à lignes bleues et sans carreaux, assis avec ses lunettes sur la table qui lui sert de bureau, bonnes paroles qu’il transmettra à Papa pour nous les mettre sur le livre d’or. Je le vois assis sur le banc dehors à Gourdan quand on y passe, le jour de notre arrivée, casquette vissée sur la tête et sourire accroché sur les lèvres, nous lançant à la vue de nos cheveux en bataille et nos longues barbes un « vous avez de la chance, je suis passé en ville ce matin, un écriteau chez le coiffeur marquait que aujourd’hui on paie, mais demain c’est gratuit » (les initiés comprendront). Ou je le vois accrocher sa sacoche avant avec son porte-carte, préparer son deux-roues, prêt à accomplir les derniers kilomètres qui nous séparent encore de Loudenvielle. Bref, c’était la séquence nostalgie. N’oublions pas ce que nous sommes et pourquoi nous le sommes.

 

Chloé: keep writing.

  

En attendant, see you soon

Romain & Mathieu Caubin

65510 LOUDENVIELLE

 

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