Le pays de la soif

Adiu Warszawa !
Adiu Warszawa !

Voilà ce que le capitaine Haddock aurait dit de nos deux journées écoulées en terre polonaise, ces lundi et mardi. Lundi, Varsovie accompagne encore notre réveil. L’inquiétude aussi, celle de trouver un marchand qui aura ce que l’on veut. Deuxième magasin, ouvert à 11h, chance. Le jeune employé parle anglais, est super cool, nous monte tout ça en deux-deux. Nous reprenons la route, avec pour objectif Prague pour la fin de semaine, à 650 kilomètres de là.

Mais d’abord, 150km nous séparent de Birsa Mola, près de Piotrkow Trybunalski. Y vit la grand-mère de notre hôte varsovienne. A 13h30 donc, avec du retard, nous partons sud-ouest. Nous devons nous dépêcher. Ainsi, c’est une journée très sportive. Nous frôlons les 30km/h de moyenne, sur cette quatre-voies ou la bande d’arrêt d’urgence est toujours aussi large. Il fait très chaud, et le vent n’est cette fois-ci pas à blâmer quand il nous rafraîchit la tronche.

Martha
Martha

Pas grand-chose à dire donc côté vélo sur ce lundi, rapide, si ce n’est que les paysages sont toujours aussi reposants. Piotrkow sonne le glas de la quatre-voies, nous nous engageons pour environ 20km dans le fin fond de la campagne polonaise. Un bout de chemin vtt plus bas, et nous arrivons chez Martha, 77 ans, maison au toit bleu et au milieu de rien. Nous sommes très fatigués et l’accueil est splendide. En avalant notre repas, nous arrivons tant bien que mal à nous comprendre, avec cette petite femme souriante et pleine d’énergie. Martha nous montre les photos de famille, nous questionne sur notre voyage (tout ça en polonais !), et à l’aide d’un calendrier sur ce que nous comprenons comme nos dates de rentrée en terres occitanes et de reprise de cours (si reprise il y a… maman, je plaisante). Nous nous couchons tôt avec les jambes très lourdes.

Le matin, nous restons un long moment au petit déjeuner, toujours marqué par des fous rires avec notre hôte. Nous apprenons quelques mots de cette langue, apprenons même à jurer (ca peut toujours servir pour les chauffeurs !)Mais nous devons y aller, avec des regrets. Martha est d’ailleurs inquiète de nous voir partir avec cette chaleur. En effet, il doit faire plus de 35 degrés dehors. Nous quittons ce petit coin de paradis avec bon espoir de le revoir, mais surtout avec appréhension de la journée qui nous attend.

Les 40 premiers kilomètres sont rapides, nous menons bon train. Nous empruntons les routes du réseau très très secondaire, mais toujours en bon état. A un moment, nous voyons un panneau indiquant la direction « Chelmo ». Cela nous évoque le nom d’un  camp d’extermination nazi de la seconde guerre. Il me semble connaître Chelmno, mais bon, peut être le mot est germanisé, voir francisé, anyway, 3km, on s’engage. ( Elle est étrange cette sensation que j’ai parfois, depuis l’entrée en Pologne, à l’idée que peut être en ces lieux que nous traversons des massacres ont eu lieu, des lieux et paysages ressemblant à des lieux de souffrance qu’on a déjà pu visiter). Bref, nous arrivons donc à ce petit village Chelmo. Nous tournons un peu autour du village, nous aventurons même dans la forêt toute proche. Aucun signe historique, on s’est forcément planté. Mais quelle appréhension ! On a l’air un peu con comme ça, mais ça aurait été surtout très con de passer à côté d’un lieu peut être historique de la sorte et ne pas faire un détour de 6km pour vérifier ses doutes.

Mais au final, c’est 20km de détour que nous faisons. Et avec une chaleur pareille, sur des routes où le goudron coule presque, 20km, c’est long. Mais ça en valait le coup, là on pourra dire qu’on a vu la profonde Pologne.

Nous retrouvons un peu plus tard notre route. En fin de journée, nous traversons la ville de Czestochowa. Incroyable. A croire que l’on était attendus, que les gens s’étaient passé le mot. Klaxons, saluts, pouces levés… Toutes les vingt secondes c’est le même rituel, toujours quelqu’un pour offrir un large sourire. Nous continuons et décidons que nous nous arrêterons un peu plus loin. Nous sommes morts, et décidons d’aller à l’hôtel. Et la ô surprise ! Personne ne parle anglais déjà, et le repas est servi jusqu’à 20h seulement. Nous sommes arrivés à 20h30 ; le cuistot accepte sans doute généreusement de nous préparer de la soupe. Bien maigre repas pour nos corps en cours « d’anorexitude ». Bref c’est l’aléa du voyage ! Nous nous rattraperons sur le p’tit déj’ !! Ah merde, on arrive aussi trop tard ! Génial… Non, nous n’avons pas faim, non nous n’avons pas faim… Heureusement, les polonais des chambres d’à côté ont laissé trainer dehors des cartons de pizza qu’ils ont ingurgité la veille. Sans me soucier de rien, j’ouvre le premier. Et là ô merveille ! Ce matin au déjeuner ce sera pizza !

C’est bien bon. Mais après une journée comme celle d’hier, je crois que tout aurait été bon. Ce matin, je suis courbaturé de tous les côtés. « Plus que » trois jours avant Prague… La journée d’aujourd’hui s’annonce des plus difficiles, histoire de pas changer.

See you

La Fete Nationale

            Après l’épisode de la pizza, nous reprenons le chemin de Prague. Nous avons comme objectif d’atteindre Otchowa, une petite ville qui se distingue sur notre carte par la présence de deux lacs aux alentours. C’est 145km qui nous séparent de cette région non loin de la frontière tchèque.  Nous sommes particulièrement heureux, allez savoir pourquoi.  Une impression de bonheur total, ou de plénitude, reprenant les mots de mon illustre frère. Il fait toujours très chaud, 35° ; peu de vent, un soleil de plomb, nous sommes courbaturés, et nous n’avançons pas en ce début de journée. Mais nous sommes sur la route, en bonne santé, effectuant un bon petit voyage. Je ne sais pourquoi cette euphorie, mais elle nous mène à des moments de folie, quand nous nous surprenons à chanter à tue tête la chanson d’Anais, Mon cœur, Mon amour. Chanson que nous ne pouvions pas entendre, et bien aujourd’hui elle passe ! Ca ne s’arrête pas là. Les aventures de Gérard Lambert de Renaud, un Balavoine, un blues de Dion, tous les genres y passent. Je profite de ma position de copilote pour lâcher les mains et créer LA chorégraphie d’Anais, à la stupéfaction des gens croisés qui se demandent quel genre d’hommes nous pouvions être pour nous taper une journée de tandem sous cette chaleur en chantant de vive voix dans un langage incompréhensible (oui parce que le français est incompréhensible pour un polonais) tout en dansant. En parlant de ces gens, nous les prenons en photo, faisons coucou à tout le monde, avec plus ou moins de réussite. Paroxysme atteint quand arrivés à une station pour remplir nos gourdes, nous faisons mine de remplir nos sacoches de sans plomb 95, à la stupeur du vendeur collé à la vitre de son comptoir.

Ca vous rappelle pas quelque chose ?
Ca vous rappelle pas quelque chose ?

          Il est très difficile de tirer une généralité sur les polonais. Il y a de tout bien sur, comme partout. Mais une chose se dégage particulièrement, c’est l’écart entre les personnes vivant dans les grandes villes ou sur le bord des grandes routes avec ceux des campagnes. L’intégration à l’Union Européenne a énormément influé sur les changements qu’a connus la Pologne depuis l’effondrement de l’URSS. Sur les grandes routes, on peut voir beaucoup de véhicules Lettons, Lituaniens, Tchèques, Allemands, … Les gens sont habitués à voir passer des étrangers, et dans ces parties, ils sourient à notre passage, nous regardent, curieux, amusés. Dans des régions plus reculées, ça n’est pas la même musique. Nous avons traversé des villages où ça faisait presque peur de passer. Des regards inquiets, interrogés, parfois hostiles. Je me souviens dans ce petit village, à Chelmo, où un homme au milieu de la route nous lançait des cris et gestes que nous avons interprétés de la sorte : « Faites demi tour, nous ne voulons pas de vous ici ». Alors c’est sans doute exagéré, mais une chose est sûre, ça ne voulait pas dire « Bienvenue à vous jeunes étrangers ». Rares sont les sourires, encore moins les gestes amicaux. Dans les grandes villes, rares sont les vents, quand nous lançons un Bonjour, nous en recevons 10 en retour. Cette ville, Czechnochowa, 9 personnes sur 10 nous saluaient. C’est une grande ville, et deux transeuropéennes passent à proximité, et amènent avec elles quantité de travailleurs, voyageurs et touristes de pays étrangers. A un arrêt de bus, 20 personnes nous ont presque improvisé une Ola, et même une voiture de police nous a mis un coup de sirène en guise d’encouragement.

Atelier réparation itinérant par la Caubs Community
Atelier réparation itinérant par la Caubs Community

Bref, les deux lascars que nous sommes continuent à écumer les routes. L’euphorie des deux premières heures de la journée s’apaise, les jambes commencent à tirer, et les douleurs habituelles que je ne citerai plus reviennent de plus belle. En cette journée de fête nationale, nous nous sentons fort, bien en canne, le rythme lui s’accélère et rien ne semble pouvoir nous arrêter. Rien ? Et si, une bonne surprise ! Je suis au pilotage, un petit secteur pavé, et un bout de verre coincé entre deux pavés profite du passage de notre roue arrière sur son domicile pour venir se loger directement dans notre chambre à air. 1ere crevaison, première galère on the road. Vite réparé, nous repartons. Une crevaison est normalement anodine, mais rien dans notre voyage n’est anodin. Il nous faut deux kilomètres pour que le bouchon de la nouvelle chambre explose et que le pneu se retrouve à nouveau à plat pour la deuxième fois en moins de 30 minutes. Elle n’était apparemment pas faite pour supporter les 200 kg que nous formons avec le tandem et tous les bagages. Et nous voilà repartis les mains dans la crasse. Il faut savoir que pour sortir la roue arrière du tandem, il nous faut tout sortir. Sacoches, remorques, tout le bazar. Opération fastidieuse. Premiers tests de notre matériel de réparation, et résultat, une petite pompe pas assez solide pour gonfler suffisamment un tandem devant supporter autant de poids.

                Nous repartons avec le vélo pas assez gonflé. Situation qui peut être dangereuse. Déjà, le rendement est moindre, la roue chasse à chaque rebord ou bosse, l’avantage c’est qu’on a l’impression d’avoir un amortisseur à l‘arrière. La chaîne qui déraille et s’enroule autour du pédalier sera le dernier petit ennui de la journée.

              La traversée d’un nouveau petit village. Une église, encore. On sent que la religion a une place très importante en Pologne. Les églises n’ont rien à voir avec les vieilles églises romanes du Louron. Toutes différentes, jamais une architecture commune, elles ont un aspect neuf. On en a vu plusieurs en rénovation. Il y a dans beaucoup de foyers et de magasins des portraits du défunt pape Jean-Paul II. Un jour, lors d’un arrêt eau dans un village, je me suis aventuré dans l’église où il y avait la messe en cours. Bondée, magnifique, riche, personne dans les rues, juste quelques jeunes. Je me suis vite retiré quand tout le monde s’est retourné en même temps vers moi.

                On se rapproche toujours un peu plus de la frontière. De longues côtes pas très pentues, nous ne sommes plus qu’à 20km de notre ville-étape quand un décor de carte postale s’offre à nous. Une percée dans la forêt surplombant la colline en haut de laquelle nous arrivons, et les montagnes marquant la frontière apparaissent, baignées par un soleil rouge flamboyant. Une image magnifique dont l’appareil photo n’arrivera pas à capter l’instant convenablement. Une bonne grosse claque, magique, irréelle.

 

See you.

Romain & Mathieu Caubin

65510 LOUDENVIELLE

 

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