La France, c'est pas si pourri !

sur le pont d'Avignon
sur le pont d'Avignon

Départ de Crest, au pied du Vercors, tard dans la matinée, on ne change pas une équipe qui gagne. Nous quittons notre famille, qui nous doublera rapidement une dernière fois, appareil photo à la main. Le nôtre a pris l’eau, il ne marche plus. Les photos ne se prennent plus quand on appuie sur le bouton, mais quand on allume l’appareil. Je tente à plusieurs reprises, d’allumer l’appareil tout en cadrant avec l’écran noir. Succès mitigé, on peut voir un bout de mollet de Roms sur une photo, le bitume et ses bandes blanches sur une autre... En fait ce n’est pas exactement quand ca s’allume, mais bien une ou deux secondes après, ca dépendait. J’abandonne vite.

 

Difficile d’écrire sur la France. Nous prenons moins de temps ces derniers jours pour écrire, plusieurs raisons à ça : chacun de vous connait la gastronomie française, sait ce qu’est le Mistral, connaît le goût de la baguette, parle français, et surtout a vu bien avant nous ce que nous traversons. Deuxième raison, nous sommes tous les soirs accompagnés. Auparavant, il y avait des soirs ou étant seuls, nous avions le temps qu’il fallait pour écrire, mais là, vu les rencontres, la communication qui devient plus facile (oui parce qu’on arrive à bien se comprendre avec les français), les longues journées que nous enchaînons, quand le soir on se retrouve à table avec un bon repas et des gens sympas, on fait comme des gens normaux, on discute, et quand il se fait tard, on plonge dans nos duvets ou sous nos couettes d’un soir pour ne nous réveiller qu’à 10h le lendemain.

c'est pas la Bavière ici...
c'est pas la Bavière ici...

Le Mistral est toujours là, et pour l’instant favorable. Cap toujours au sud, cela va rapidement changer quand nous devrons tirer vers l’ouest, pour traverser le Rhône et suivre la vallée jusqu’à Avignon. Le vent nous arrive de côté, et de puissantes rafales manquent de nous faire tomber à plusieurs reprises, en tout cas nous fait faire de gros écarts, d’où la vigilance que nous devons avoir avec les voitures qui nous arrivent de derrière. On traverse Montélimar, puis le Rhône. Recap au sud jusqu’à Orange. Toujours ce vent, qui nous pousse, nous manquons de nous envoler à plusieurs reprises, avec des pointes régulières à 40km/h. Nous nous arrêtons au Mc Do, pour capter le wifi, et accessoirement prendre un grand coca (mais la priorité c’était le wifi, on ne crie pas sur les toits qu’on s’y arrête souvent, ça fait mal à notre orgueil et nos principes qui disent en gros « Le Mc Do, c’est de la m… ! »). Alors voilà, comme le dira la personne dont je vais prochainement vous parler : « Et bien le Mc Do, c’est pas si pourri ! » Phrase recherchée vous en conviendrez, n’empêche que cette belle litote est parfaitement adaptée dans ce cas là. En effet, David et Isabelle nous abordent, alors que nous sommes connectés à la recherche d’une auberge de jeunesse pour nous loger le soir à Avignon. Ils ont été intrigués par le tandem posé dehors, et ont vite compris qui en étaient les heureux propriétaires.

Introduction des plus normales, et des plus agréables. « D’où venez-vous ? / Où allez-vous ? » Une discussion s’enchaine sur notre voyage, ils sont intéressés. C’est là le principal avantage du voyage à vélo. Vous allez doucement, vous arrêtez souvent, êtes reconnaissables et accessibles. Quand on vous voit, pas d’erreur, vous êtes bien en train de voyager ! Quand vous êtes arrêtés sur le bord de la route en voiture, à moins d’avoir un van Volkswagen 1982 recouvert d’autocollants, une planche de surf sur le toit et le sigle « Peace & Love » à la peinture noire sur la carrosserie, pas évident de savoir que vous voyagez à la recherche de rencontres. Ce qui nous aura sans doute fait le plus plaisir, c’est cette faculté que les gens ont à venir vous parler, sans attendre de rechercher un sujet conventionnel genre « C’est à vous ce pull ? » ou « Vous connaissez la météo de demain ? » ou même « Belle voiture.. Ca monte à combien ce genre d’engin ? », et même parfois quand vous n’avez pas trop envie de parler (c’est arrivé rarement mais je me souviens en Pologne, sur une aire de repos où on était un peu à vif). Cette rencontre avec ce couple aux allures sportives nous rassure pour un point en particulier : Oui, ca arrive en France !

 

En effet, après avoir dit que nous cherchions une auberge pour Avignon, Isa fait une drôle de tête, elle a quelque chose à nous dire. C’est David qui tend la perche : « Ben vas-y, dis ce que tu veux dire ». Et Isa : « Si vous voulez, on peut vous loger ce soir, on habite en plein centre d’Avignon, près des remparts. Enfin, si ça vous dit… » Et pour sûr que ca nous dit peuchère ! Rendez-vous est pris, ils nous attendent le soir, car la ville est encore à quelques kilomètres de là, nous ne sommes qu’à Orange. Je ferme l’ordinateur, plus besoin d’auberge, et nous repartons, par la nationale 7, voie usitée par de nombreux automobilistes ne voulant pas emprunter l’Autoroute du Soleil, qui doit être bien rentabilisée depuis le temps.. La circulation sur la N7 est dense. Par contre, c’est plein sud que nous allons, et le Mistral nous refait voler. On double des cyclistes ressemblant à des pros, super matos, mollets affutés et bien rasés, 30km/h, qui ont dû raccrocher le vélo en arrivant chez eux, blasés de se faire déposer par une caravane emmenée par deux chevelus barbus. Nous sommes rapidement à Avignon, et trouvons l’appartement d’Isa et David.

l'est pas beau mon frère jumeau ?
l'est pas beau mon frère jumeau ?

On recommence la discussion. C’est le souk chez eux, et pour cause : Mercredi 11, ils partent pour un an faire un tour du monde, sac à dos et logés chez l’habitant. A fond dans le trip voyageur, ils nous expliquent que c’est sans doute pour ça qu’ils étaient si heureux de nous accueillir chez eux. Des affaires un peu partout, des papiers, des choses de dernière minute, ils sont à fond, et si excités ! Isa est instit pour enfants en difficultés, David est éducateur physique. Ils ont fait les 24h du Mans en roller, tiens, un tilt, je ne savais pas que ça existait. A se renseigner ! En tout cas, sportifs, accueillants et géniaux les bougres !

 

La soirée est sympa. Malgré notre petite expérience d’apprenti voyageur, on voit que l’autonomie dont on fait preuve et l’expérience que nous vivons servent, et je leur donne plusieurs petits tuyaux pour diverses choses. L’heure du coucher arrive. Isa me propose de mettre du répulsif, car des moustiques rôdent la nuit. En grand dur que je suis, m’étant fait piqué des dizaines de fois dans les pays Baltes, je rétorque très connement j’en conviens : « Non c’est bon, je n’aime pas trop l’odeur de ces répulsifs. Et puis, j’ai été habitué ». Résultat, à 2h je me réveille, dévoré par ces petites bêtes, qui continuent de s’agiter autour de mon oreille. Je ne me rendors jamais complètement, juste des petits assoupissements en pointillés, et je me lève encore plus fatigué que quand je me suis couché, démangé par les piqûres. Morale de l’histoire : j’aurai peut être dû mettre du répulsif.

 

See you…

Pont d'Avignon, pont du Gard, arènes de Nîmes, jumeaux en tandem... que de monuments

le long des remparts d'Avignon
le long des remparts d'Avignon

Ce jeudi midi, nous traînons à Avignon. Le centre, entre les remparts, est superbe. Toujours gavé de touristes, on entend beaucoup parler étranger. Math a pas mal de choses à régler, on prend notre temps. Sandwichs, café en terrasse, achat d’un nouvel appareil photo, passage à La Poste pour mon co-équipier pour régler ses affaires de visa… Là encore, notre équipage ne passe pas inaperçu, pris en photo par des touristes anglais. En attendant Math devant La Poste, je tente, fatigué, de parler avec une sdf qui est au coin avec sa petite fille qui doit avoir 2 ans. Je me heurte à sa méconnaissance du français. Assis pas loin d’elle, je peux observer avec dégoût accentué par ma fatigue le comportement des gens, qui répondent par un détournement de tête aux sourires de la jeune femme et ses timides « bonjour ». Parmi eux, certains ont sans doute peur. C’est vrai, une jeune femme avec une poussette, on sait jamais. Ce qui me dégoûte le plus est sans doute, ici à Avignon, pendant le festival  « off », le passage des gens « cool », des « artistes », ceux qui ont exactement le profil des gauchistes (au sens péjoratif), et qui tiennent sans doute des discours révolutionnaires et des plus tolérants. Enfin bref. Je crois que parmi les snobs, je préfère encore ceux qui s’assument.

devant le pont du Gard
devant le pont du Gard

On fait un tour du centre avant de reprendre la route. Passage devant le fameux pont, pas devant les non moins fameuses « demoiselles ». Puis on reprend la route en direction de Nîmes, pour une courte journée d’environ 75km.

 

Il fait chaud, parfois le vent violent de côté déstabilise la machine. On s’arrête au Pont du Gard, endroit sympa mais là encore bondé. Enfin, passage incontournable lorsqu’on en est à 3km. Ca n’en reste pas moins fascinant, se dire que certains ont construit de telles choses sans les moyens actuels. Nous inaugurons notre nouvel appareil photo, discutons avec un couple « chti », et repartons.

 

Plus tard, ce sont les arènes de Nîmes qui nous « accueillent ». Mais nous ne nous attardons pas, et filons vers Congénies, près de Sommières, environ 20km après Nîmes, où Christiane et Robert nous attendent.

et devant les arènes de Nîmes
et devant les arènes de Nîmes

Superbe route, encore une fois. Superbe rencontre, encore une fois. Je cherche toujours de nouveaux mots pour de nouveaux paysages ou de nouvelles rencontres. Mais non, il n’y a pas, c’est à chaque fois le même plaisir renouvelé.

 

Robert nous attend au bout d’une voie verte aménagée par le département du Gard à la place d’une ancienne voie ferrée. Racontons quand même comment nous avons atterri chez le couple. C’est notre amie Gisèle qui leur a fait passer l’adresse du site. Au début de notre voyage, Christiane et Robert, que nous ne connaissions pas donc, nous ont écrit, proposant de s’arrêter chez eux si nous passions par Nîmes. Surpris et heureux, nous ne pouvions faire autrement, et sommes très loin de le regretter : accueil encore (et tant pis pour les répétitions) fantastique. Cerise sur le gâteau, un sommeil paisible nous attend.

Après la Baltique, la Méditerranée

avec Robert, à  Sommières
avec Robert, à Sommières

Nous avions été prévenus, la maison étant collée à l’église, le son des cloches risque de nous réveiller toutes les demi-heures. Mais il n’en est rien, le sommeil est long et profond, de minuit à 10h. Un bon petit déjeuner et plusieurs tasses de café avalées, Christiane nous propose de ne partir qu’après le déjeuner, et étant donné l’heure  qu’il est et la qualité de l’accueil de nos hôtes, nous nous laissons convaincre rapidement. Nous discutons beaucoup. Elle parle très calmement, sa voie est très douce, mais ne manque pas d’énergie. Robert quant à lui est très bavard, un vrai moulin à paroles, jamais nous ne sommes à court de sujets de discussions, ils ont voyagé et en ont vu, sont ouverts et lucides, malgré notre différence d’âge nous nous entendons bien et partageons un certain nombre de choses.

 

Le repas du midi est toujours aussi bon. Ca me fait penser à la tablée de mes grands-parents. Une petite table ronde au milieu de la cuisine, des plats diversifiés, légumes gratinés, verre de vin obligatoire, après tout c’est bon pour la santé. Nous partons tard, sur ces routes au milieu de la garrigue, balayées par un vent parfois violent. Robert nous accompagne, au début jusqu’à Sommières, puis il rallonge rapidement, conscient qu’au retour, il sera seul avec le vent favorable. Il nous laisse à Boisseron, et nous continuons notre chemin seuls.

les hûitres de Bouzigues ; derrière, Sète et son mont Saint-Clair
les hûitres de Bouzigues ; derrière, Sète et son mont Saint-Clair

La traversée de Montpellier est longue et difficile, heureusement que la circulation n’est pas très importante à cette heure-ci. Après des petites routes qui ne nous réussissent pas tellement, nous prenons celle qui longe l’étang de Thau, avec Sète en visu de l’autre côté. Vent de côté, nous menons bon train, jusqu’à tirer à droite, plein ouest, où là par contre nous n’avançons plus. Nous devons aller jusqu’à Cazedarnes, petit village au nord-ouest de Béziers. Vent pleine face et grimpant légèrement, c’est collés à la route que nous grapillons les kilomètres qu’il nous reste. Arrivés dans un petit village dont j’ai oublié le nom, alors que le soleil tirait sa révérence peu à peu, que les jambes commençaient à se faire lourdes et surtout que nous étions pressés d’arriver, nous demandons à un vieux du village si nous sommes bien dans la direction de Cazedarnes. D’un hochement de tête mais sans même nous regarder, il nous confirme que la route est la bonne. « Merci Mr ». Mais que neni ! Nous repartons vers le sud, sur la direction de Béziers. Nous décidons alors de refaire confiance au GPS, qui nous fait rejoindre la bonne route par un chemin au milieu des vignes, plein de trous, difficilement  accessible en voiture, bref, une bonne partie de VTT avec cet engin, le cargo des vélos, délicieux !

Enfin sur la bonne direction, la fin de journée se fait sentir. Une dernière traversée de village, où une grosse rampe culminée par une terrasse bondée où les gens nous applaudissent nous achève, et nous fonçons sur Cazedarnes. Nous passons fortuitement dans la vallée de l’Orb, paradis des campeurs dont un d’entre eux lance un « Alors là les gars, chapeau ! » qui nous laisse tout sourire pour le dernier col. A oui, car nous ne savions pas, Cazedarnes est situé en haut d’une belle bosse de 3,5km, que nous avons escaladé de nuit sans phares (trop la flemme de les mettre).

 

A l’entrée du village, Antonin nous attend avec son petit VTT, chargé de nous conduire chez Colette et Philippe. Nous ne le connaissons pas, mais on comprend vite que c’est pour nous qu’il est là. Il nous dit qu’il nous attend depuis 15min, mais je soupçonne que cela fait au moins une heure. Il nous guide par derrière la maison, et une petite partie technique au milieu du potager pour conclure, nous arrivons avec la lune et Antonin comme compagnons devant la maison, où nos hôtes nous attendent à table.

 

Et quelle claque ! Cette famille simple, qui ne paye pas de mine, dans ce magnifique petit village, est une formidable famille de marins. Attention, pas de marins d’eau douce, mais bien ceux qui ont passé des années sur un voilier, à affronter les océans déchainés, passé le Cap Horn plusieurs fois. Ils sont géniaux, et nous régalent avec leurs histoires. Friands de récits d’aventure en tout genre, alors que tout un tas de projets se forme dans notre tête, ils nous balancent des grandes claques dans la tronche, et nous impressionnent de leur accueil. Derrière chaque vague, une nouvelle histoire. Le repas englouti, nous filons nous coucher après cette dure journée et cette soirée que nous aurions bien continué jusqu’à l’aube.

Tentative de définition du bonheur
Tentative de définition du bonheur

La Montagne Noire

Antonin, nouveau copilote
Antonin, nouveau copilote

Ce matin, à Cazedarnes, le vent a l’air d’être tombé, laissant un peu plus de marge encore à la chaleur. Nous prenons encore notre temps, écoutant, passionnés, les récits de Philippe, tantôt constructeur, navigateur, vigneron. Nous écoutons ses souvenirs de la vie « d’autrefois » dans cette région sèche où le manque d’eau rendait parfois la vie difficile. Mais nous sommes surtout admiratifs devant les photos et le récit de la construction du voilier familial qui dura 4 ans en Nouvelle-Calédonie. Bref, encore des « vrais », ceux qui nous font rêver et prendre conscience de nos statuts de néophyte dans l’aventure. Didier, Françoise, nous espérons qu’il reste à Anères une bouteille de muscat…

paysages héraultais
paysages héraultais

Nous partons tard, encore et toujours. Seulement 80km nous séparent de Castres, mais un terrain difficile. Après une superbe route entre les vignes, nous voilà sur une large nationale et surtout dans le col de Poussarou. Dur dur, les jambes sont lourdes, et la chaleur pesante. Nous sommes heureux de basculer et entamer la descente vers Saint Pons, où nous prendrons la voie verte jusqu’à Mazamet. Celle-ci, indiquée par Philippe, est construite sur une ancienne voie ferrée, et présente donc l’avantage d’être (à peu près) plate. Elle est surtout magnifique, des plus agréables, et rend bien avec son revêtement sable-gravier, à tel point que nous roulons parfois entre 35 et 40km/h, un vrai TGV, doublant tous les promeneurs prévenus par notre nouvelle sonnette « croco » offerte le matin par Antonin.

avec Francis et Jeannine
avec Francis et Jeannine

Un régal cette voie verte. Et ce jusqu’à Mazamet, au milieu de paysages (encore une fois) superbes, vallée très verte et boisée au cœur de la Montagne Noire. Math attrape une crampe à Mazamet, première après 3500km. Les 20 derniers jusqu’à Castres sont tranquilles, et nous y retrouvons notre ami et supporter Francis Auriac, charismatique créateur et organisateur de la Route du Sud, qui nous reçoit avec Jeannine dans leur maison sur les hauteurs de la ville. Nous avons prévu de nous reposer un jour dans le Tarn.

 

Reste plus que 2 jours de selle. Ca sent la quille… Là, vraiment,

 

See you !

Romain & Mathieu Caubin

65510 LOUDENVIELLE

 

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