Question pour un champion

Question pour un champion : quels ont été les bonnes surprises, les moins bonnes ? Quels sont vos meilleurs souvenirs, les moins bons ? Quels sont les endroits qui vous ont marqué ?

 

Pour le coup, pour celui qui répond juste, c’est directement la Super Finale.

 

Car comment y répondre ? Comment dissocier les bons des mauvais moments, après ces 42 jours sur la route ? Impossible d’en ressortir une ni plusieurs choses. Dans ce voyage, je crois pouvoir parler au nom de tous les deux en disant que toutes les journées, toutes les heures se sont avérées la meilleure des écoles, et valaient le coup d’être vécues, voire bien plus encore.

 

Trop de choses m’effleurent l’esprit lorsque la corvée de répondre à ces questions se présente. Trop d’images, de visages, de paysages. Trop de rires, de chansons, parfois des galères, des lieux. L’impression que ça n’a jamais existé. Et pourtant. Chaque anecdote entendue, chaque image volée sont prétextes à souvenir. A tout instant un souvenir remonte, une pensée ressurgit.

 

Et même si j’y pense, je ne peux tout raconter. Alors je m’aide de notre carnet de voyage. Comment choisir entre la simplicité et l’accueil estonien, ses gamins footballeurs qui tapent au mur de la chambre ; la beauté lettonne et toujours ses gamins qui roulent derrière nous ; le gris de Panavezys mais les sourires et saluts de ses habitants ; les plaines polonaises, ses gars aux terrasses de café quelle que soit l’heure, tournant la tête à notre passage comme suivant un match de tennis, ces polonais venant discuter alors que notre vocabulaire commun se compte sur les doigts d’une seule main ; les lacs tchèques, ses couchers de soleil derrière les collines, son camionneur saluant quand on vient sans doute de le sauver du radar ; le vert bavarois, son rire, bière à la main, cette blonde apportant la fin des grillades, alors qu’on se pose d’une journée épuisante, sous la pluie et la tente, le long du lac de Konstanz ; ce petit vieux de Lausanne et le fou rire qu’il provoque, ce vieux pneu qui éclate juste derrière ; le Vercors qui nous fait face, le Mont Ventoux sur notre gauche, le lac d’Annecy derrière la vitre, tous ces paysages découverts, cachés par les collines le temps d’une montée ; que choisir ?

Qui décrire ? Jaan, Erki, les gamins de Parnü, Sylvia, les cyclos anglais, Igo et sa famille, Andris, Armans, la lituanienne de l’internat sportif de Panavezys, Andreis, Agnieszka, Martha, la serveuse de Plzen, Wolf, Josef et sa famille, Max et la sienne, Christophe, le vieux de Lausanne, le couple de gamins assis à côté, Karl, Robert et Christiane, Philippe et la famille, Francis et Jeannine ? L’accueil de ceux-là, leur rencontre se limitant parfois à quelques mots, sont gravés là-haut. Et d’autres choses me retraversent l’esprit. La nocturne le soir de pleine lune, en Bavière ; l’arrivée au-dessus du lac Léman ; le passage de la frontière polonaise…

 

Le problème est insoluble. Je n’irais sans doute pas en Super Finale. Et pour cause. « L’aventure fait de chaque seconde une vie entière. »

 

Et pourtant. Est-ce ça l’aventure ? Tout ce que nous entendons, tous les exploits, toutes les traversées, toutes les vies d’aventuriers, les vrais, sont tellement prenantes. Mais je crois que l’on ne peut réaliser certaines choses et la force qu’elles nécessitent que si l’on a touché un peu à l’aventure, et ce qu’elle comporte de galères, de joies, de déceptions, de plénitude.

 

Je trouve souvent que ceux qui comparent notre minuscule périple à un exploit ou à quelque chose de grand exagèrent. Et pour cause. Il y a tellement à faire. Je m’en sens gêné, tant les possibilités, à travers les années et les continents, pour un seul homme, sont pratiquement infinies. Je me sens gêné, face à ce qu’accomplissent tous les jours des femmes et des hommes. Cependant je crois que c’est un cheminement. Et trois jours après avoir terminé, je ne rêve que d’une chose : aller plus loin. Je crois que l’on a tant de choses à apprendre pour entrer dans ce monde tellement restreint. Je crois que je n’ai jamais autant appris en 5 semaines, sur moi, mon frère, sur les autres. Et si je crois ne pas mériter certains des mots à notre sujet, je suis désormais persuadé d’une chose. C’est qu’au moins, à travers ce voyage, nous sommes entrés dedans. Nous y avons goûté. Et si sa prise de conscience est un peu gênante, aujourd’hui, le statut de néophyte aventurier me va à ravir.

 

Merci à ceux qui nous ont donné envie, à travers leurs récits, leurs parcours. Je pense à Didier, tout de suite. Et tous les autres. Soyez patients, nous revenons bientôt vers vous, pour d’autres conseils. En attendant de partager la suite.

Romain & Mathieu Caubin

65510 LOUDENVIELLE

 

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