On the road 67, again

     Et c’est bien ça le problème. La journée du vendredi ressemble étrangement à celle du jeudi. Les routes sont les mêmes, toujours aussi boisées (pas les routes elles-mêmes…), plates et droites (cette fois-ci les routes…). Nous décollons de Parnü à environ 13h30, car nous avons prévu une journée raccourcie. Nous passons la frontière lettone tranquillement, symbolisée par un simple péage vétuste et semble t-il hors d’usage. C’est parfois beau l’Europe. Nous nous arrêtons et achetons des drapeaux des deux pays que nous accrochons à la place du fanion de la remorque, accompagnés d’un insigne de tête de mort, pour la touche rock’n’roll.

 

     Arrivés à Ainazi, nous décidons de prolonger un peu. D’une les jambes sont bonnes (malgré un persistant mal à tout ce qui touche la selle…), de deux le temps est super, avec un vent de face que nous ne blâmons plus tant il nous rafraîchit. Et de trois, nous avons repéré sur la carte un camping se trouvant à environ 25km après Ainazi. Sur la route nous croisons un cycliste allemand en direction du Pôle Nord, personnage étrange mais sympathique, parlant un anglais moins compréhensible que le nôtre j’en suis persuadé (c’est pour dire le niveau).

 

    Arrivés à un nouveau village au nom imprononçable, nous stoppons pour faire quelques courses. Ici, nous ne passons pas inaperçus. Des enfants nous suivent quelques mètres à vélo, un homme nous aide afin de recharger notre réchaud à la pompe, des membres d’une équipe cycliste sur la route nous relookent de la tête aux pieds. Le seul qui vient nous parler provoque nos critiques pour tout l’ensemble du groupe, tellement il est condescendant (oula chouette mot, non ?)

     Bref nous voilà dans notre camping, après avoir inauguré notre machine en mode vtt, sur le chemin ensablé qui mène à l’endroit paisible. Les traînées de sable ratent de me faire perdre le contrôle. Math fera la même le lendemain en repartant. Le camping est sympa, nous plantons donc la tente pour la première fois et nous cuisinons des pâtes dégueulasses. Nous y croisons également d’autres cyclos, un couple de canadiens effectuant le tour de la Baltique, un londonien ralliant Barcelone par à peu près les mêmes routes que nous. Ils sont bluffés de notre moyenne d’environ 25km/h, mais rigolent gentiment quand nous leur annonçons que nous partirons vers 11h le lendemain. Nous prévoyons de nous retrouver ce samedi au center city camping à Riga.

 

     Le samedi matin, nos affaires pliées, nous partons après midi (ils se seraient décidément bien marrés). Pour moi, la nuit a été assez courte et mauvaise ; le matin il a fait très chaud, et dès que je me suis allongé le matelas a explosé. J’aurais dû perdre les kilos avant semble-t-il. Nous repartons donc en direction de Riga, et un message de Jaan Kirsipuu nous donne le numéro d’un de ses amis habitant 20km avant la capitale lettone. Nous décidons que (si nous pouvons), nous nous y arrêterons pour la nuit, et passerons la journée du dimanche à Riga. La route le matin (ou plutôt le début d’après-midi..) est semblable aux jours précédents. Les fermes et les belles pelouses font rêver, ainsi que la mer que nous apercevons parfois à travers quelques haies de conifères (joli mot encore non papa ?).

Cours de géo
Cours de géo

     Différences entre l’Estonie et la Lettonie ? Les gens semblent ici plus curieux, ou moins timides. Les routes sont toujours impeccables, et les forêts moins sauvages. Les filles sont toutes plus « soignées » les unes que les autres, et quand une Mercedes décapotable grise nous double pleine de blondes qui nous balancent signes et sourires, nous répondons sans trop nous forcer.

 

     Nous menons un train soutenu pendant environ 50km, et nous arrêtons dans une aire d’où j’écris, et où nous avons commandé deux belles assiettes. J’ai hélas cru bon de prendre au self l’accompagnement ressemblant à un de ces fantastiques wock de marianne, hélas c’était dégueulasse. Bref, cette fois-ci c’est Math qui dort sur la table, pendant que de nombreuses personnes s’attardent devant notre tandem. Tu m’étonnes, ça a pas dû être facile pour lui de tenir mon rythme de ce matin (héhé). Même nos amis H & H auraient eu du mal avec leurs moteurs (c’est gift).

 

     Bon, je m’en vais taper du poing sur la table pour le réveiller en sursaut, on parie qu’il gueule ? Non même pas… Ce doit être le flegme britannique ça ( ???).  (note du correcteur : J’ai pas gueulé, tu sais pourquoi ? Parce que je suis Passe Partout, du Fort Boyard !!)

 

See you soon

Igo un savu ģimeni, viens, divi, paldies!

Le "p'tit" déj
Le "p'tit" déj

Nous avons un contact, encore grâce à Jaan, 20km avant Riga. « Après le passage d’un fleuve, prenez la route à droite et à la 2eme voie ferrée, appelez ce numéro ». Nous nous retrouvons sur une plus petite route, plus délabrée aussi, c’est le réseau secondaire letton. On longe la mer quelques kilomètres, encore une ligne droite interminable. 10km, 15, toujours pas de voie ferrée. De grandes maisons sur la droite, un quartier résidentiel, on rigole à choisir celle dans laquelle on veut passer la nuit. Et puis la voie ferrée.

Un letton froid aux premiers abords mais qui s’est révélé d’une grande gentillesse appelle notre contact, un certain Igo. Celui-ci parle un peu à Romain, et lui dit « I come in two minutes ». Nous attendons, et voyons un monsieur d’une soixantaine d’années qui arrive, en VTT, petit short et T-shirt. Il est bien affuté, c’est un cycliste. Ce sera sans doute une des plus belles rencontres de notre voyage.

Igo Japinsh nous conduit jusqu’à chez lui. C’est un homme important, aisé, d’une simplicité et générosité déconcertantes. Je ne peux m’empêcher de vous raconter avec un certain nombre de détails notre court séjour chez lui. Il est le manager d’une équipe professionnelle lettonne. Ancien coureur, spécialisé dans la piste, il a été plusieurs fois médaillé aux championnats de son pays. En 1991, il devient le coach de la toute première sélection nationale lettone après son accès à l’indépendance. Chez lui, il y a des photos avec le président de la Lettonie, avec des sportifs qu’il a emmené jusqu’à des médailles olympiques.

Nous arrivons chez lui pendant le quart de finale de la coupe du monde, Allemagne-Argentine. Il nous installe à la table, il y a des fraises fraichement cueillies. Il se remet devant la télé, et nous dit « A la mi temps, dans 10 minutes, nous pourrons parler ». Sa femme, une belle brune plus jeune que lui, nous sert à boire. Elle parle un anglais avec un accent difficile à comprendre. Igo parle très bien, et à la mi-temps il s’assoit avec nous et nous dit d’un air autoritaire : « Je vais vous énoncer les différentes solutions que vous avez ». Nous pouvons soit rester chez lui ce soir, et aller le lendemain à Riga où il nous a trouvé quelqu’un, soit aller à Riga maintenant. Nous avions initialement prévu d’être à la capitale dès ce soir, mais vu la maison et le blanc français excellent qu’il nous a servi, nous décidons de rester.

La douche prise (avec le sauna encore et toujours !), nous discutons avec lui et sa femme. Toute la famille est là, son fils ainé, qui doit avoir une trentaine d’année et qui n’est pas très bavard, la mère de sa femme, deux jumelles de 8 ans avec qui communiquer est trop difficile, et le petit dernier, 5 mois à peine. Nous nous sentons vite à l’aise au milieu de cette famille lettone.

Nous dormons dans un petit studio qui se situe dans le jardin des voisins, qu’Igo loue. Petit, vieillot et simple, confortable, et nous pouvons utiliser la maison à volonté. Il nous explique qu’à l’époque du communisme, les dimensions des maisons et des jardins étaient limitées. 20 ans après l’éclatement de l’URSS, Igo a déjà doublé la surface de sa maison, et veut racheter le terrain du voisin, militaire russe qui n’est ici qu’une fois par an mais qui ne veut pas vendre car il est trop attaché sentimentalement à sa propriété.

Igo, Maria et Rebecca
Igo, Maria et Rebecca

Le soir, un barbeuc ! Nous parlons beaucoup, Igo est passionné par la gastronomie française et italienne. Il est très intéressant, et intéressé. Sa femme est curieuse de tout, c’est d’un plaisir de parler avec eux ! Après le barbeuc, direction la plage. Pour y aller, nous avons juste à marcher quelques minutes à travers la forêt. Il y a du monde encore à 22h, et à l’endroit où nous arrivons, deux mannequins lettons se font prendre en photo, et une (la plus belle !) accepte de poser avec nous. Avec mon pansement au poignet, mes tongues, l’attelle de Roms, nous avons des touches d’estropiés, entourant cette beauté qui a l’air ravie de poser avec nous.. Elle est douce et gentille, je ne pense pas qu’elle soit pro, elle doit juste rendre service à un ami amateur de photographie qui doit aussi en profiter pour passer du temps avec des filles magnifiques.

          Une fois rentrés, les jumelles m’apprennent à compter en letton en jouant au badminton, jamais sans dépasser les 12 échanges. Cette langue est très difficile, on peut reconnaitre certains mots, mais la plupart du temps cela reste un mystère. Couchés tard, après avoir fini la bouteille qu’Igo nous a ouvert pour le repas du soir, la nuit est confortable et longue. Le petit déj est sans doute un des meilleurs que nous n’avons jamais eu : tomates-mozza, confiture, fromage, œufs, café, céréales, … Nous nous régalons, et la matinée est similaire à la soirée, pleine de discussions, nous parlons de tout et de rien. Igo nous raconte son parcours, ses différents voyages, me commente ses photos de famille. Il nous aime bien, et a rapidement confiance en nous. Sa femme me demande de préparer des tomates pour le déjeuner. Nous essayons d’aider plus, de faire un brin de vaisselle, de nettoyer des trucs par ci par là, mais presque à chaque fois, à peine attelés, nous sommes vite écartés par un des membres de la famille, qui décidemment ne veulent pas qu’un de leur hôte ne réalise une tâche ménagère. Repas du midi excellent, c’est l’heure du départ, déjà.

          C’est une des fois où le manque de temps pour réaliser notre voyage a été le plus cruel. Nous serions bien restés une semaine, voire deux de plus. De plus, en nous aidant à préparer la suite du tracé, Igo nous parlait des coins sympas de Lettonie à voir, sur la côte ou du côté de la frontière russe. Malheureusement, impossible pour nous de nous écarter autant de notre route, faute de temps. Sa femme veut prendre des photos avec ses filles : « Four twins together ! » (Quatre jumeaux ensemble, pour les moins doués en anglais d’entre vous) ! (note du correcteur : ou pour ceux aussi doués que Math…) Nous nous débrouillons plutôt bien avec cette langue, nous arrivons à nous faire comprendre du moins. Ici les gens ne parlent pas l’occitan.

Romain & Mathieu Caubin

65510 LOUDENVIELLE

 

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